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Dénomination « Savon de Marseille » : demande d’indication géographique rejetée

Affaires - Immatériel
30/03/2022
Le cahier des charges concernant la dénomination « savon de Marseille », relatif à une demande de protection d’une indication d’origine visant l’ensemble du territoire national, est incomplet dès lors qu’il ne délimite pas une aire géographique ou un lieu déterminé associé au produit concerné. Par voie de conséquence, le directeur de l’INPI peut, sans excéder ses pouvoirs, rejeter la demande d’homologation.
Une indication géographique consiste en la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit (hors agricole, forestier, alimentaire ou de la mer), qui en est originaire et qui possède des caractéristiques spécifiques.
 
Dans le présent arrêt, la Cour de cassation rappelle que, selon les articles L. 721-2 et L. 721-7 du code de la propriété intellectuelle, "pour bénéficier d'une indication géographique protégeant un produit industriel ou artisanal, les conditions de production ou de transformation de ce produit doivent respecter un cahier des charges homologué par décision du directeur général de l'INPI, qui doit préciser la délimitation de la zone géographique ou du lieu déterminé associé à l'indication géographique, à laquelle peuvent être attribuées essentiellement une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques de ce produit".

En l’espèce, l'Association Savon de Marseille France (ASDMF) avait déposé à l'Institut national de la propriété industrielle, le 26 décembre 2017, une demande d'homologation de son cahier des charges « savon de Marseille » en vue de l'obtention d'une indication géographique protégée industrielle et artisanale (IGPIA) visant à protéger des savons sous forme solide, liquide ou pâteuse produits par saponification sur le territoire français, soit l’ensemble des départements de la France métropolitaine et les départements d'Outre-mer.
 
Décision administrative de rejet
 
Par une décision du 22 mai 2018, le directeur général de l'INPI avait rejeté cette demande d’homologation aux motifs qu’elle n’était pas complète et que le cahier des charges ne répondait donc pas aux conditions prévues par les textes. Pour l’Institut, en effet :
 
– la demande de l'ASDMF ne répondait manifestement pas à la définition d'une indication géographique, "faute d'adéquation entre le nom de l'indication géographique demandée et la délimitation de la zone géographique, Marseille ne caractérisant pas la France entière, le procédé décrit apparaissant en outre reproductible en tout lieu et portant sur des produits issus de réactifs distincts selon des précédés différents" ;
 
– le projet de cahier des charges "ne comprenait pas d'éléments de nature à établir que les savons liquides et pâteux présentaient une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques pouvant être attribuées essentiellement à cette zone géographique".
 
Reprochant à l’INPI d’avoir porté un jugement de valeur discrétionnaire sur le fond du cahier des charges qui contenait, selon elle, des éléments formels nécessaires, l'ASDMF avait alors formé un recours contre cette décision.

Marseille ne caractérisant pas la France entière…
 
La cour d’appel a rejeté le recours formé par l’ASDMF, relevant que "malgré une demande de compléments d'éléments formulée par l'INPI, le cahier des charges, quoique concernant la dénomination « savon de Marseille », qui vise manifestement une seule ville de France et associe le produit à cette commune, précise que la délimitation de la zone géographique associée sera la zone France, le produit concerné étant fabriqué sur l'ensemble du territoire national, résultant d'un savoir-faire historiquement répandu sur l'ensemble de ce territoire et d'un procédé trouvant son origine sur ce même ensemble" : le dossier de demande d'homologation en vue de l'obtention de l'IGPIA en cause demeurait ainsi incomplet et le directeur général de l'INPI pouvait, sans excéder ses pouvoirs, rejeter la demande d'homologation (CA Paris, pôle 5, ch. 2, 22 nov. 2019, n° 18/15257, Lamyline).
 
La Cour de cassation approuve les juges du fond. En effet, c'est à bon droit que l’arrêt contesté a retenu qu'est incomplet le cahier des charges relatif à une demande de protection d'une indication d'origine visant l'ensemble du territoire national, sans délimiter une aire géographique ni un lieu déterminé associés au produit concerné.
 
Selon l'article L. 721-3, alinéa 4, du code de la propriété intellectuelle, l’Institut national de la propriété industrielle, lorsqu'il instruit la demande d'homologation ou de modification du cahier des charges, s'assure notamment que le périmètre de la zone ou du lieu permet de garantir que le produit concerné présente effectivement une qualité, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être essentiellement attribuées à la zone géographique ou au lieu déterminé associés à l'indication géographique. Dès lors son directeur général avait pu, sans excéder ses pouvoirs, rejeter la demande d'homologation pour incomplétude.
 
D’où rejet du pourvoi de l’ASDMF.
 
Source : Actualités du droit