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Question préjudicielle sur l'obligation de prélever une retenue à la source sur les revenus de source nationale versés à une société étrangère

Affaires - Fiscalité des entreprises
31/08/2018
Dans un arrêt rendu le 25 juillet 2018, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) répond à une question préjudicielle posée par une juridiction bulgare en matière de fiscalité internationale.
En l’espèce, une société, immatriculée et établie en Bulgarie, a conclu avec des sociétés immatriculées aux Pays-Bas, en Autriche et en Pologne des contrats ayant pour objet la location de wagons-citernes et leur a versé des revenus en contrepartie de cette location. Les trois sociétés étrangères ont déposé auprès de la société bulgare les preuves du respect des conditions d’application des conventions visant à éviter une double imposition. L’administration fiscale bulgare, à la suite d’un contrôlé fiscal effectué sur la société, constate l’existence d’une dette fiscale pour l’exercice 2010, assortie d’intérêts. Il y est indiqué que les conditions d’application des conventions visant à éviter la double imposition sont remplies pour les trois sociétés étrangères et que, en application de la convention visant à éviter la double imposition conclue entre la République de Bulgarie et la République de Pologne, les revenus versés par la société bulgare à la société polonaise pour la location de wagons-citernes auraient dû faire l’objet d’une retenue à la source en Bulgarie au taux de 5% seulement.

La Cour administrative suprême de Bulgarie observe qu’une société résidente qui verse des revenus soumis à une retenue à la source est tenue de payer des intérêts lorsque la société établie dans un autre État membre qui perçoit ces revenus n’a pas apporté la preuve que les conditions permettant l’application de la convention visant à éviter la double imposition conclue entre la République de Bulgarie et l’État membre de son siège sont réunies, y compris lorsque, conformément à cette convention, cette société non-résidente n’est redevable en Bulgarie d’aucun impôt ou que le montant de celui-ci est plus faible que celui normalement dû en vertu du droit fiscal bulgare. La juridiction de renvoi relève également que ces intérêts sont perçus pour la période comprise entre l’expiration du délai de versement de l’impôt sur le revenu et la date à laquelle la société non-résidente qui perçoit les revenus prouve que les conditions permettant l’application de la convention visant à éviter la double imposition pertinente sont remplies, et qu’ils sont irrécouvrables, alors même que, conformément à ladite convention, le versement de revenus de source bulgare serait exonéré de retenue à la source en Bulgarie.

Question préjudicielle

La juridiction bulgare estime que le fait que la société qui verse des revenus soumis à une retenue à la source est tenue de payer des intérêts sur l’impôt dont n’est pas redevable la société établie dans un autre État membre s’oppose au caractère accessoire de la dette d’intérêts. Selon elle, il n’existe dans l’ordre juridique bulgare aucune autre disposition qui, lorsque l’obligation légale d’apporter la preuve de l’existence d’un droit n’est pas remplie, imposerait que des intérêts soient prélevés auprès d’une autre personne sur un impôt qui n’est pas à payer. La juridiction décide donc de surseoir à statuer et pose une question préjudicielle à la CJUE.

La CJUE affirme que l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (interdiction des restrictions à la libre prestation des services) doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre, dans le cadre de laquelle le versement de revenus par une société résidente à une société établie dans un autre État membre est, en principe, soumis à une retenue à la source (sauf disposition contraire prévue dans la convention visant à éviter la double imposition conclue entre ces deux États membres), si cette réglementation impose à la société résidente qui ne prélève ni ne reverse cette retenue au fisc du premier État membre, de payer des intérêts de retard irrécouvrables pour la période comprise entre l’expiration du délai de versement de l’impôt sur le revenu et la date à laquelle la société non-résidente prouve que les conditions permettant l’application de la convention visant à éviter la double imposition sont remplies, alors même que, conformément à cette convention, la société non-résidente n’est redevable d’aucun impôt dans le premier État membre ou que le montant de celui-ci est plus faible que celui normalement dû en vertu du droit fiscal dudit État membre.

Par Marie-Claire Sgarra
Source : Actualités du droit