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Précision sur l'exigence de bonne foi de la tête de réseau dans le processus de sélection des distributeurs

Affaires - Droit économique
08/04/2019
L’exigence de bonne foi ne requiert pas, de la part de la tête d’un réseau de distribution la détermination et la mise en œuvre d'un processus de sélection de ses distributeurs sur le fondement de critères définis et objectivement fixés et appliqués ceux-ci de manière non-discriminatoire.

En l’espèce, un constructeur automobile a cédé son fonds de commerce. Le cessionnaire a annoncé aux distributeurs du réseau qu’il reprendrait la distribution en France des marques Lancia et Jeep et les a invités à faire acte de candidature pour la signature de nouveaux contrats. L’un des concessionnaires a candidaté pour la distribution de véhicules neufs et l’activité de réparation et a donc transmis, le 19 juillet 2010, à la nouvelle tête du réseau le dossier de candidature. La tête de réseau a informé le concessionnaire de sa décision de refus d’agrément. Contestant ce refus et reprochant à la tête du réseau d’avoir confié la représentation des marques en cause à un tiers, le concessionnaire l’a assignée, sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240, du Code civil, en réparation des préjudices résultant de son refus fautif d’agrément et de son retard dans la notification de ce dernier.

La cour d’appel (CA Paris, Pôle 5, ch. 4, 24 mai 2017, n° 15/12129) retient d’abord que le refus d’agrément constitue une faute, énonçant que le « concédant » est tenu, dès la phase précontractuelle, de respecter son obligation générale de bonne foi dans le choix de son cocontractant et en déduit que le titulaire du réseau doit sélectionner ses distributeurs sur le fondement de critères définis et objectivement fixés et appliquer ceux-ci de manière non-discriminatoire. Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation censure sur ce point l’arrêt d’appel au visa l’article 1240 du Code civil, ensemble les principes de liberté contractuelle et de liberté du commerce et de l’industrie.

La cour d’appel condamne, ensuite, la tête du réseau à payer au concessionnaire une certaine somme en réparation du préjudice causé par la tardiveté de la notification du refus d’agrément. Elle retient que la tête du réseau a, par la lettre du 31 mai 2010, adressée au concessionnaire comme à l’ensemble des anciens distributeurs « fait part de son souhait de maintenir les relations avec tous les concessionnaires », de sorte qu’elle a indûment entretenu le concessionnaire dans l’espoir d’être agréé dans le nouveau réseau et lui a donné une incitation contraire à la reconversion, que le préavis d’un an avait pour but de permettre.

La Cour de cassation censure également l’arrêt d’appel sur ce point. Elle énonce qu’en statuant ainsi, alors que la lettre mentionnait que « l’un des principaux objectifs (…) sera de préserver, dans toute la mesure du possible, (les) réseaux de distribution actuels et leurs relations avec la plupart des distributeurs actuels » et qu’était envisagé « donc de proposer à la plupart (des) distributeurs actuels de participer à la nouvelle opportunité de développement, en concluant un nouveau contrat de distributeur agréé », la cour d’appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce document, a méconnu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis.

Par Vincent Téchené

Source : Actualités du droit