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PJL Justice, volet civil : ce qu’il faut retenir de la décision du Conseil constitutionnel

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
22/03/2019
Le Conseil constitutionnel vient de rendre publique, le 21 mars 2019, sa décision portant sur la conformité à la Constitution de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Le point sur les censures, les réserves et les articles reconnus conformes à la Constitution, s’agissant du volet civil.
Les chiffres sont, à eux seuls, assez peu habituels. Jamais une décision du Conseil constitutionnel n’a été aussi longue (100 pages). Un texte qui a fait l’objet de quatre saisines et dont 13 des 109 articles de la loi ont été censurés (d’autres validés avec des réserves), ce qui constitue une censure inédite pour un texte portant sur la justice.
 
Conseil national des barreaux et Barreau de Paris se sont réjouis de cette décision (v. Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de Paris : « Nous nous réjouissons de cette décision, mais nous serons vigilants sur les décrets d’application, qui sont fondamentaux », Actualités du droit, 22 mars 2019). Le syndicat de la magistrature a pour sa part reconnu certaines avancées, mais déploré une loi qui dégrade considérablement le service public de la justice (Syndicat de la magistrature, 22 mars 2019). De son côté, la garde des Sceaux « se félicite que le Conseil constitutionnel ait validé l’essentiel des très nombreuses dispositions de la loi ».
 
Sur le volet civil, le Conseil constitutionnel a notamment validé, sans réserve (pour le volet pénal, v.
PJL Justice (volet pénal) : la liste des validations et censures constitutionnelles en matière pénale, Actualités du droit, 21 mars 2019) : Un seul article, mais particulièrement emblématique, a été censuré : l'article 7 (TA AN n° 232, 2018-2019, art. 7) qui confiait aux organismes débiteurs des prestations familiales (CAF), à titre expérimental et pour une durée de trois ans, la délivrance de titres exécutoires portant sur la modification du montant d'une contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. Yves Détraigne, rapporteur au Sénat de ce projet de loi, rappelle que « Le Sénat avait émis de fortes réserves sur cette déjudiciarisation très symbolique en matière familiale (…). La décision du Conseil constitutionnel montre que les précautions du Sénat en matière d’accès au juge étaient justifiées ».
 
De son côté Nicole Belloubet prend « acte de la décision du Conseil constitutionnel de ne pas permettre d’expérimenter la possibilité pour les caisses d’allocations familiales de réviser rapidement le montant des pensions alimentaires, alors que cette expérimentation devait permettre de répondre à la situation difficile de nombreuses femmes divorcées ».
 
Deux articles ont, par ailleurs, fait l’objet de réserves :
  • l’extension de l’obligation du recours à un mode amiable de règlement des différends civils, pour certains types de litiges : le Conseil constitutionnel demande des précisions sur le « motif légitime » et la notion de « délai raisonnable », de nature à justifier l’absence de recours aux modes amiables (TA AN n° 232, 2018-2019, art. 3) ;
  • open data : la délivrance aux tiers de copies de jugements rendus après débats en chambre du conseil : la loi prévoyait que la copie délivrée aux tiers des jugements prononcés publiquement est limitée au dispositif du jugement lorsque celui-ci a été rendu après débats en chambre du conseil ; pour le Conseil constitutionnel, « en raison de sa généralité et de son caractère obligatoire, cette restriction apportée par les dispositions contestées n'est pas limitée aux cas où elle serait justifiée, notamment, par la protection du droit au respect de la vie privée. Dès lors, ces dispositions méconnaissent les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 » (TA AN n° 232, 2018-2019, art. 33).
En dehors des censures et des réserves, un passage de la décision du Conseil constitutionnel a soulevé quelques vagues : « le législateur, qui a entendu réduire le nombre des litiges soumis au juge, a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice » (Cons. const., 21 mars 2019, n° 2019-778 DC, paragraphe 22). Ce qui a fortement fait réagir le barreau de Paris : pour Marie-Aimée Peyron, « Chaque Français a le droit d’accéder à la justice. Et ce n’est certainement pas bien administrer la justice que de réduire le nombre de litiges soumis à un juge. Au contraire ». Le bâtonnier de Paris qui précise également que « Ce n’est pas en essayant de privatiser la justice et en mettant en place des plateformes en ligne, qui ne sont pas satisfaisantes par ailleurs, que l’on va parvenir à une bonne administration de la justice » (v. Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de Paris : « Nous nous réjouissons de cette décision, mais nous serons vigilants sur les décrets d’application, qui sont fondamentaux », Actualités du droit, 22 mars 2019). 

Côté Conseil national des barreaux, on précise rester « mobilisé sur les sujets tels que la territorialité, la spécialisation, la réforme de la justice des mineurs, l’acte d’avocat, etc. ». Et on insiste sur le fait que cette « lourde censure engage le gouvernement à la plus grande prudence dans la formulation des textes d’application, décrets comme ordonnances de cette loi désormais sous surveillance ».

Prochaine étape, désormais : les décrets d’application. La ministre a indiqué « s’engager dans une mise en œuvre rapide de cette loi en faveur des justiciables ». Certains décrets pourraient cependant prendre plus de temps que d’autres…
Source : Actualités du droit