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Autorisation à mariage du majeur sous tutelle : l’appréciation souveraine du juge des tutelles

Civil - Personnes et famille/patrimoine
03/07/2019

C’est sans méconnaître l’effet dévolutif de l’appel ni l’autorité de la chose jugée attachée à la décision d’ouverture de la mesure de protection (ayant constaté que l’intéressée avait «un besoin absolu d’être protégée dans les actes de la vie civile et ne pouva[i]t, en toute indépendance, exprimer sa volonté pour consentir librement à ces actes»), que la cour d’appel, appelée à autoriser le mariage de l’intéressée, a souverainement estimé que, en dépit de sa vulnérabilité, il convenait d’autoriser le mariage, en se fondant notamment sur le souhait exprimé lors de son audition par le juge des tutelles (à l’occasion de la décision d’ouverture de la mesure de protection) ainsi que sur la durée et la stabilité de la vie commune avec son compagnon, qui démontraient que son projet de mariage était réel et que la personne était en mesure d’apprécier la portée de son engagement matrimonial, même si elle devait être représentée dans les actes de la vie civile.

Telle est la solution retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 26 juin 2019 (Cass. civ. 1, 26 juin 2019, n° 18-15.830, F-P+B).

En l’espèce, un jugement du 9 novembre 2015, confirmé par un arrêt du 19 décembre 2017, avait placé une dame sous tutelle pour une durée de dix ans, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs étant désigné en qualité de tuteur ; par requête du 11 décembre 2015, l’intéressée avait demandé au juge des tutelles l’autorisation de se marier avec son compagnon.

Les enfants de l’intéressée faisaient grief à l’arrêt d’autoriser celle-ci à se marier avec son compagnon.

Ils invoquaient, notamment, l’effet dévolutif de l’appel, soutenant que la cour d’appel était tenue de vérifier par elle-même la volonté matrimoniale de l’intéressée, ce qu’elle n’avait pas fait, selon eux, en se bornant à relever que «lors de son audition par le juge des tutelles», l’intéressée avait exprimé le souhait de s’unir maritalement avec son compagnon, alors que, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de la demande d’autorisation à mariage, elle était tenue de vérifier par elle-même la volonté matrimoniale de l’intéressée. Mais l’argument est écarté par la Cour suprême, qui se prononce ainsi qu’il a été dit plus haut.

Les requérants faisaient encore valoir, l’autorité de chose jugée de l’arrêt du 19 décembre 2017, en particulier des motifs de l’arrêt selon lesquels la personne protégée «ayant un besoin absolu d’être protégée dans les actes de la vie civile et ne pouvant, en toute indépendance, exprimer sa volonté pour consentir librement à ces actes» ; selon eux, en affirmant, pour autoriser l’intéressée à contracter mariage avec son compagnon, que celle-ci était en mesure d’apprécier la portée de cet engagement matrimonial, la cour d’appel avait méconnu l’autorité de chose jugée attachée à son précédent arrêt. Là encore, l’argument ne saurait convaincre la Haute juridiction, qui retient la solution précitée.

Remarque : on rappellera que, depuis la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, modifiant l’article 460 du Code civil, le système est inversé : la personne protégée n’a plus besoin de l’autorisation de son tuteur ou de son curateur pour se marier, elle doit simplement informer ce dernier de son projet de mariage, lequel formera opposition s’il le juge nécessaire, sur le fondement de l’article 175 du Code civil modifié, en vertu duquel «le tuteur ou le curateur peut former opposition, dans les conditions prévues à l’article 173, au mariage de la personne qu’il assiste ou représente», cf. l’Encyclopédie «La protections des mineurs et des majeurs vulnérables», Les actes dont la nature implique un consentement strictement personnel).

Anne-Lise Lonné-Clément

Source : Actualités du droit