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Le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence non caractérisé

Affaires - Immatériel
04/07/2019
La Cour de cassation considère dans un arrêt du 4 juin 2019 qu'aucun des deux passages incriminés ne contenait un appel ou une exhortation, même implicitement formulés, à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes déterminées.
Le procureur de la République a fait citer le maire de Béziers, devant le tribunal correctionnel pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, pour avoir, d'une part, diffusé sur Twitter le message : « #rentreedesclasses : la preuve la plus éclatante du grand Remplacement [en fait, #GrandRemplacement] en cours. Il suffit de regarder d'anciennes photos de classe... », d'autre part, tenu au cours d'une interview réalisée sur une chaîne de télévision les propos suivants : « Dans une classe du centre-ville de chez moi, 91 % d'enfants musulmans. Évidemment que c'est un problème. Il y a des seuils de tolérance. On n'ose pas le dire. 91 %, madame, d'enfants musulmans ».

Les juges du premier degré l'ont déclaré coupable, l'ont condamné à une peine d'amende et ont statué sur les demandes des associations qui s'étaient constituées partie civile.
Pour infirmer leur jugement, relaxer le prévenu et débouter les parties civiles de leurs demandes, l'arrêt d’appel a considéré que, pour être constituée, l'infraction prévue par l'article 24, alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse suppose notamment que les propos poursuivis contiennent un appel ou une exhortation, même implicites, à la discrimination, la haine ou la violence.

Ils ont relevé plus précisément s'agissant du passage poursuivi de l'interview replacé dans son contexte, que le prévenu affirme que le pourcentage d'enfants musulmans dans une classe est intolérable, non pas pour ces enfants eux-mêmes mais bien pour les autres, et s'inquiète des effets de l'immigration massive sur l'identité de la France, mais que, s'exprimant sur une question d'intérêt public relative à l'immigration, il n'use pas de termes violents ni n'invite le public à combattre, haïr ou discriminer de potentiels envahisseurs, de sorte que ces propos, dont la formulation peut légitimement choquer, n'ont pas, en l'absence d'appel ou d'exhortation, même implicite, excédé les limites admissibles de la liberté d'expression. 

Pour la Cour de cassation, en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, a justifié sa décision. Elle a souverainement analysé les éléments extrinsèques susceptibles d'éclairer le sens et la portée des propos poursuivis, tels qu'ils pouvaient être compris par les personnes susceptibles d'en prendre connaissance, et a, à bon droit, refusé de prendre en compte à cette fin des messages ou discours postérieurs à leur diffusion.
Et d’en conclure que les juges d’appel ont exactement retenu qu'aucun des deux passages incriminés ne contenait un appel ou une exhortation, même implicitement formulés, à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes déterminées, dès lors que, s'ils déploraient ce qu'ils présentaient comme une situation de fait, ils n'invitaient à aucune réaction particulière, sous forme de discrimination ou de violence, ni ne stigmatisaient les personnes concernées dans des conditions visant à susciter la haine à leur égard.
Source : Actualités du droit