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L’employeur qui n’organise pas les élections commet une faute

Social - IRP et relations collectives
22/01/2020

Un salarié embauché depuis 1995 a fait connaître à son employeur, le 27 janvier 2014, sa décision de partir à la retraite le 31 mars suivant. Le 29 juillet 2014, il saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes et notamment une demande de dommages-intérêts en raison de l'absence d'organisation des élections des délégués du personnel au sein de l'unité économique et sociale dont faisait partie la société qui l'employait.
 
Il est débouté par les juges du fond au motif qu’il n'invoque ni ne rapporte la preuve d'aucun préjudice qu’il aurait subi du fait de la non-organisation des élections. En effet, « il a interpellé l'employeur sur l'organisation des élections des délégués du personnels qu'au terme d'une collaboration de 18 ans et pendant son délai de préavis préalable à son départ en retraite - préavis que son employeur l'avait dispensé d'exécuter -, alors que ses compétences en droit du travail  et ses fonctions d'assistance et de formation des élus aux comités d'entreprise et d'expertise auprès des CHSCT auraient dû le rendre particulièrement sensible à un tel manquement de l'employeur dont il ne pouvait théoriquement et pratiquement qu'avoir conscience ».
 
Cassant l’arrêt de la Cour d’appel, la Cour de cassation rappelle que « l'employeur qui n'a pas accompli, bien qu'il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts ».
Peu importe que le salarié n'ait interpellé l'employeur sur l'organisation des élections professionnelles qu'au terme d'une collaboration de 18 ans et pendant son délai de préavis préalable à son départ à la retraite, et qu'il n'invoquepas et ne rapporte pas la preuve d'un préjudice. Dès lors que les élections auraient dû être organisées, le salarié a droit à une indemnisation.
 
Cette solution n’est pas nouvelle. En effet, dans un arrêt du 17 mai 2011, la Cour de cassation avait admis pour la première fois que l’employeur « qui n'accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts »
(Cass. soc., 17 mai 2011, nº 10-12.852
). A l’époque, elle évoquait un « préjudice nécessaire » ce qui signifie que l’indemnisation du salarié était automatique.
Les Hauts magistrats ont réaffirmé ce principe dans deux arrêts rendus en 2018 et 2019, dans lesquels ils ne font plus référence au préjudice nécessaire (
Cass. soc., 17 oct. 2018, n° 17-14.392 ; Cass. soc., 15 mai 2019, n° 17-22.224), cette notion ayant été abandonnée par la Cour de cassation dans un arrêt du 13 avril 2016, obligeant les juges à évaluer le préjudice subi avant d’accorder une réparation au salarié
(Cass. soc., 13 avr. 2016, n° 14-28.293).
Cependant, le fait que la Cour de cassation ne fasse plus référence au préjudice nécessaire ne change rien pour les salariés: leur préjudice se trouve constitué du fait qu’ils ont été privés de représentation du personnel et qu’ils en demandent réparation, comme le démontre cet arrêt. La Cour de cassation rappelle une fois de plus qu’ils doivent être indemnisés sans avoir à prouver un quelconque préjudice, et va même plus loin en admettant ici la légitimité de la demande du salarié 18 ans après avoir été embauché !

Cette solution rendue à propos des anciennes instances représentatives du personnel (CE, DP, CHSCT) est transposable au CSE qui doit impérativement avoir été mis en place au 1er janvier 2020.

 

Source : Actualités du droit