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La semaine du droit immobilier

Civil - Immobilier
02/06/2020
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit immobilier.
Baux – organismes HLM  – dispositions dérogatoires
« Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 19 février 2019), la société UAP a donné à bail à Mme X... et à B... Y...,à compter du 15 juillet 1981, un appartement à usage d’habitation.
Le 2 juillet 2001, la société anonyme d’habitations à loyer modéré Logis transports a acquis ce logement au moyen d’un prêt locatif intermédiaire (PLI).
Le 17 mai 2007, les parties ont signé un nouveau contrat de bail intitulé “contrat de location d’un logement PLI”.
Le 18 mars 2015, B... Y... étant décédé, la société Logis transports, après avoir signifié à Mme X... plusieurs offres de relogement qu’elle n’a pas acceptées, lui a notifié un congé pour démolir demeuré infructueux, puis l’a assignée en expulsion.
(…) Les baux portant sur des logements appartenant à des organismes HLM sont régis par des dispositions dérogatoires au droit commun des baux d’habitation et, notamment, pour les logements ne faisant pas l’objet d’une convention passée en application de l’article L. 351-2 du code de la construction et de l’habitation, tels ceux acquis au moyen d’un prêt locatif intermédiaire, par l’article 40, I de la loi du 6 juillet 1989 qui leur déclare inapplicables certains articles de cette loi et, en particulier, les dispositions de l’article 15 relatives au congé délivré par le bailleur.
La cour d’appel a retenu à bon droit que les dispositions propres aux logements appartenant à des organismes HLM ne faisant pas l’objet d’une convention ne sont pas applicables aux baux en cours lors de l’acquisition de ces logements par l’organisme HLM, mais que, les baux reconduits étant de nouveaux baux, ceux-ci ne peuvent, lors de leur reconduction, demeurer régis par les dispositions de droit commun des baux d’habitation auxquelles ils étaient initialement soumis.
Ayant relevé que le logement donné à bail à Mme X... avait été acquis par une société d’habitations à loyer modéré au moyen d’un prêt locatif intermédiaire et que le bail, venu à expiration le 14 juillet 2002, s’était trouvé reconduit à compter du 15 juillet 2002, la cour d’appel en a exactement déduit que, peu important la conclusion ou non par la locataire d’un contrat de location d’un logement PLI, la société Logis transports avait pu faire application, à compter de cette date, de la législation applicable aux logements non conventionnés appartenant à un organisme d’habitation à loyers modérés et que Mme X... ne bénéficiait donc pas, lors de la délivrance du congé, du droit de préemption prévu par l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989, mais d’un droit au maintien dans les lieux.
Le moyen n’est donc pas fondé. »
 Cass. 3e civ., 28 mai 2020, n° 19-14.089, P+B+I*
 
 Local à usage d’habitation – preuve
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 24 octobre 2018), la Ville de Paris a assigné en la forme des référés Mme X..., propriétaire d’un appartement situé à Paris, en paiement d’une amende civile sur le fondement de l’article L. 651-2 du Code de la construction et de l’habitation, pour avoir donné en location ce local de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage, en contravention avec les dispositions de l’article L. 631-7 du même Code
Aux termes de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation, un local est réputé à usage d’habitation au sens de ce texte s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970.
Il en résulte que la preuve que le local a été affecté à un usage d’habitation postérieurement à cette date est inopérante.
La cour d’appel, appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a retenu, souverainement, que les éléments produits par la Ville de Paris ne permettaient pas d’établir que le local était à usage d’habitation au 1er janvier 1970 et, à bon droit, que la preuve d’un usage d’habitation lors de l’acquisition par Mme X... de son appartement le 2 avril 1980 était inopérante.
Elle en a exactement déduit que la Ville de Paris ne pouvait se prévaloir d’un changement d’usage illicite au sens de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation.
Le moyen n’est donc pas fondé »
 Cass. 3e civ., 28 mai 2020, n° 18-26.366, P+B+I*


Indivision – remise en état d’une parcelle
« Selon l’arrêt attaqué (Rennes,11 janvier 2019), par acte du 20 juin 1983, le groupement foncier agricole des Rouges Terres de la Forêt (le GFA) a pris à bail des terres dont M. X... et sa soeur sont indivisaires.
Plusieurs instances ont opposé M. X... au GFA sur la détermination du prix du fermage et sur son paiement, ainsi que sur la consistance du vignoble. Un précédent arrêt a ainsi condamné le GFA à remettre en état une parcelle et a ordonné une astreinte.
Par assignation du 26 janvier 2017, M. X... a saisi le juge de l’exécution en liquidation de l’astreinte et en prononcé d’une nouvelle.
(…) Vu l’article 815-2, alinéa 1er, du Code civil :
Aux termes de ce texte, tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence.
Pour déclarer irrecevables les prétentions de M. X..., l’arrêt retient qu’un indivisaire peut effectuer seul les actes d’administration relatifs aux biens indivis s’il est titulaire d’au moins deux tiers des droits indivis ou s’il bénéficie d’un mandat tacite après avoir pris en main la gestion des biens indivis au su des autres et sans opposition de leur part et relève que M. X... ne justifie pas d’un tel mandat en vue d’exercer des mesures d’exécution forcée relatives aux biens indivis.
En statuant ainsi, alors que l’action engagée, en ce qu’elle avait pour objet la liquidation d’une astreinte prononcée en vue d’assurer la remise en état de biens indivis, constituait un acte conservatoire que tout indivisaire peut accomplir seul, la cour d’appel a violé le texte susvisé, par refus d’application »
 Cass. 3e civ., 28 mai 2020, n° 19-14.156, P+B+I*
 

Indemnité d'éviction – condition d'immatriculation
« Selon l’arrêt attaqué (Pau, 7 février 2019), le 9 mai 2008, M. X... et Mme Y... ont donné à bail à la société anonyme Open sud gestion (la société), pour une durée de neuf années entières, une villa meublée avec terrain, terrasse et piscine, destinée à une activité d’exploitation hôtelière et/ou para-hôtelière consistant en la sous-location meublée de locaux situés dans le même ensemble immobilier avec mise à disposition de services ou prestations para-hôtelière à la clientèle.
Le 3 novembre 2016, M. X... et Mme Y... ont délivré à la société un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction pour le 27 mai 2017.
Puis, déniant à la locataire le droit à indemnité d’éviction pour défaut d’immatriculation régulière au registre du commerce et des sociétés à l’adresse du bien loué, ils l’ont assignée en validation du congé et en expulsion.
En application de l’article 1014, alinéa 2, du Code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
La société fait grief à l’arrêt de juger qu’elle ne bénéficie pas du droit au renouvellement du bail, en conséquence, de rejeter sa demande d’indemnité d’éviction, d’ordonner son expulsion et de la condamner à verser à M. X... et à Mme Y... une certaine somme au titre d’une indemnité d’occupation, alors « que le juge ne peut pas dénaturer les termes clairs et précis des contrats ; qu’en l’espèce, l’acte en date du 9 mai 2008 signé entre la société Open sud gestion et les consorts X...-Y... stipule à son article 2 que « les soussignés affirment et déclarent leur intention expresse de soumettre la présente convention au statut des baux commerciaux, tel qu’il résulte des articles L. 145-1 du Code de commerce et des textes subséquents ; et ce même si toutes les conditions d’application de ce statut ne sont pas remplies ou ne le sont que pour partie, en sorte qu’il y aura éventuellement extension conventionnelle du champ d’application dudit statut » ; qu’en affirmant, pour refuser le droit à une indemnité d’éviction du preneur, qu’il n’est pas stipulé au contrat de bail que le bailleur accepte de façon non équivoque de dispenser le preneur « du défaut d’immatriculation » (sic) au RCS, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de l’article 2 de l’acte du 9 mai 2008 et a violé l’article 1134, devenu 1192, du Code civil. »
Vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis :
Pour rejeter la demande de la société en paiement d’une indemnité d’éviction, l’arrêt retient qu’il n’est pas stipulé au bail que le bailleur accepte de façon non équivoque de dispenser le preneur « du défaut d’immatriculation » au registre du commerce et des sociétés, de sorte que cette condition était requise à la date du congé.
En statuant ainsi, alors que le bail stipulait que les parties déclaraient « leur intention expresse de soumettre la présente convention au statut des baux commerciaux, tel qu’il résulte des articles L. 145-1 du Code de commerce et des textes subséquents, et ce même si toutes les conditions d’application de ce statut ne sont pas remplies ou ne le sont que pour partie, en sorte qu’il y aura éventuellement extension conventionnelle du champ d’application de ce statut », la cour d’appel, qui a dénaturé cette convention claire et précise, dont il résulte que le bailleur avait renoncé à se prévaloir de la condition d’immatriculation, a violé le principe susvisé. »
Cass. 3e civ., 28 mai 2020, n° 19-15.001, P+B+I*



 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 2 juillet 2020
 
Source : Actualités du droit