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Choix du visa d'exploitation d'un film : contrôle de qualification juridique du juge de cassation

Public - Droit public général
Affaires - Immatériel
04/10/2016
Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique sur l'appréciation par les juges du fond des motifs tirés de la protection de l'enfance et de la jeunesse ou du respect de la dignité humaine fondant, en application de l'article L. 211-1 du Code du cinéma et de l'image animée, le choix d'un visa d'exploitation d'une oeuvre cinématographique. Telle est la solution d'un arrêt rendu par le Conseil d'État le 28 septembre 2016.
Était ici en cause un visa d'exploitation cinématographique au film intitulé "La vie d'Adèle : Chapitres 1 et 2" assorti d'une interdiction aux mineurs de douze ans et d'un avertissement, annulé par la Cour administrative d'appel de Paris en 2015 (CAA Paris, ch. 4, 8 déc. 2015, n° 14PA04253), au motif que le film comportait plusieurs scènes de sexe présentées de façon réaliste, et que les conditions de mise en scène d'une de ces scènes excluait toute possibilité pour les spectateurs et, notamment les plus jeunes, de distanciation par rapport à ce qui leur était donné à voir. Elle a déduit de ces constatations que les effets du film sur la sensibilité du jeune public faisaient obstacle à ce que sa représentation publique ne soit interdite qu'aux seuls mineurs de moins de douze ans.

Le Conseil d'État adopte une position différente. Il indique que, si les scènes de sexe en cause, bien que simulées, présentent un caractère de réalisme indéniable, elles sont, d'une part, exemptes de toute violence, et, d'autre part, filmées sans intention dégradante. Ces scènes s'insèrent de façon cohérente dans la trame narrative globale de l'oeuvre, d'une durée totale de près de trois heures, dont l'ambition est de dépeindre le caractère passionné d'une relation amoureuse entre deux jeunes femmes. En outre, la ministre de la Culture a assorti le visa accordé d'un avertissement destiné à l'information des spectateurs les plus jeunes et de leurs parents. Dès lors, la cour administrative d'appel, en jugeant que le film était de nature à heurter la sensibilité du jeune public pour en déduire que la ministre avait entaché d'erreur d'appréciation sa décision d'accorder un visa d'exploitation comportant une interdiction limitée aux mineurs de moins de douze ans, a inexactement qualifié les faits de l'espèce. Son arrêt est donc annulé.
Source : Actualités du droit